dimanche 23 décembre 2012

L'étoile des princes des Baux de Provence

Le nom de la famille de Baux ou Des Baux a été connu sous différentes graphies : en occitan ancien dels Baus, en latin de Baucio ou de Bautio, en ancien français Des Balz ou Des Baulx, en occitan moderne del Bauç et en italien del Balzo.
      Originaire de la ville des Baux de Provence, cette maison, jadis souveraine, a longtemps dominé la vie politique de la région du comtat Venaissin et de la Provence. Après avoir construit un château dans cette ville (le Castrum Balcius est cité en 981), ils prirent son nom comme patronyme, Des Baux.
     Comme c'est bientôt Noël, j'ai voulu faire un billet sur l'emblème de cette famille, cette étonnante étoile à seize rais, très rare en Occident.
     Les seigneurs des Baux prétendaient descendre du Roi mage Balthazar. Aussi prirent-ils pour emblème l'étoile de la nativité à seize branches : "de gueules à l'étoile à seize rais d'argent" et, en italien, "di rosso, alla stella (16) d'argento" ou "di rosso alla cometa di sedici raggi d'argento" (le terme comète rappelle le lien avec les Rois mages).
-- 1345?, Baoscich, Rubcich (Stanislaus), Insignia procerum Bosnae, Croatiae, Illyriae, &c,
quorum alter liber unicus asservatur penes Ragusii Rempublicam
, f°38
Biblioteca estense universitaria) [armorial sur la Dalmatie, la Croatie, la Bosnie et les Balkans]
• Présentation rapide de l'histoire de la famille
     Le premier membre mentionné dans une charte fut Pons le Jeune, en 961.
     Un des ses descendants, Hugues, sire des Baux (vivant en 1130) partit pour la Sardaigne vers 1179 et forma la branche des Baux, juges d'Arborée.
     Son frère Bertrand Ier (1130-1181), par son mariage avec Tiburge d'Orange, devint prince d'Orange. Il fut à l'origine des trois principales branches, au travers de trois de ses fils :
     1. l'aîné, Hugues IV (1173-1240) forma la branche de Marseille des Baux, seigneurs des Baux, devenus comtes d'Avellino.
     Ils portèrent les armes familiales entre 1214 et 1254. Par la suite, Barral Des Baux et ses descendants portèrent leurs armes écartelées avec la croix "dite" de Toulouse. Cette lignée qui comprenait les Baux du Comtat Venaissin s'éteignit entre 1355 et 1426.
     2. le puîné, Bertrand II (†1201) fut à l'origine de la branche de Berre des Baux, seigneurs de Berre, devenus ducs d'Andrie et de Nardo, comtes de Squillace, princes de Tarente et d'Achaïe, mais aussi seigneurs de Marignane ou encore seigneurs de Meyrargues et de Puyricard.
     Dans cette lignée, la branche aînée s'éteignit vers 1460 dans la maison des ducs de Guevarra, et dans Luxembourg Saint-Pol. Une branche cadette s'installa dans le royaume de Naples sous le nom de Del Balzo. C'est le seul rameau encore subsistant aujourd'hui. Ils portent les armes primitives des Baux.
     3. le 3e fils, Guillaume Ier (†1218) continua la branche d'Orange (Courthézon) des Baux, princes d'Orange, devenus comtes de Soleto, Avella et Alessano. Une lignée masculine s'éteignit v. 1372, deux autres aboutirent aux comtes d'Alessano et aux Del Balzo Orsini, issus des comtes de Soleto, eux aussi disparus après 1550. Cette branche portait les armes d'Orange (l'écartelé Baux/Orange ne semble avoir été porté que chez les descendants installés en Italie, les Del Balzo et les Del Balzo Orsini).

     On retrouve les armes "à l'étoile" dans différents écartelés qui témoignent de l'importance de cette famille, car les armes ont été aussi transmises aux enfants de femmes nées Des Baux.
     À l'époque où la lignée principale disparut, les descendants des deux autres lignées quittaient la Provence pour Naples en Italie et prirent pour patronyme la forme italianisée de Del Balzo.

• 1. La branche des seigneurs des Baux, comtes d'Avellino, et seigneurs de Brantes et de Plaisians
-- 13 août 1214 , Sigillum Ugonis de Baucio, Barthélémy (1892, pl. I, fig. 1),
Hugues IV, vicomte de Marseille (1173-1240)
-- v. 1251-1261, Bulla : Barrali d Baucio d Montillis, Barthélémy (1892, pl. IV, fig. 11),
Barral Ier, fils de Hugues (av. 1217-1268)
     Barral écartelait les armes de son père (l'étoile) avec une croix vuidée, cléchée et pommetée (croix dite "de Toulouse"). Ses descendants gardèrent cet écartelé.
     Barthélémy explique la croix vuidée comme étant l'emblème de l'écu de Raymond VII de Toulouse, oncle de Barral, mais aussi celui des armes de Sibylle d'Anduze, femme de Barral. Pour Jean Gallian, cette croix correspond au sceau des vicomtes de Marseille qui est aussi celui des anciens comtes de Provence. Selon Pithon-Curt, la croix proviendrait donc des armes de la mère de Barral, Barrale, vicomtesse de Marseille.

• 2. La branche des Baux, ducs d'Andrie, seigneurs de Berre, de Meyrargues et Puyricard, et de Marignane, puis Del Balzo de Sainte-Croix, de Schiavi, de Caprigliano et de Presenzano
-- 29 juin 1220, Sigillum Raimundi de Baucio, Barthélémy (1892, pl. VI, fig. 19),
Raymond II Des Baux, seigneur de Berre, vicomte de Marseille (†1236)
-- 1375, Les Baulx, "de gueules à l'étoile à seize rais d'argent",
famille Des Baux, Armorial du héraut Navarre, f°32r (©BNF)
-- 1470-1480, Le duc d'Aindre, "de gueules à l'étoile à seize rais d'argent, à la bordure engrêlée d'or",
Des Baux, duc d'AndrieArmorial Le Breton p. 9, n°69 (©AF)
     Selon E. de Boos : "Des Baux, duc d'Andrie, au royaume de Naples. Cette branche s'éteignit vers 1460 dans la maison des ducs de Guevarra, puis dans Luxembourg Saint-Pol."
-- 1476, bannière de Jacques de Luxembourg, sgr de Fiennes, prise par les Suisses
à la bataille de Morat en 1476 (d'après Galbreath & Jéquier, fig. 238 p. 129)
     La grand-mère de Jacques de Luxembourg était Marguerite des Baux, fille de François Ier, duc d'Andrie, et sœur de Bianchino qui fut à l'origine de la branche italienne de la famille Des Baux, les Del Balzo.
-- v. 1800, Del Bazo, Napolitano, Bologna (Angelo Maria da),
Araldo nel quale si vedono delineate e colorite le armi
de' potentati e sovrani d'Europa…
, v. 1800, f°48vBiblioteca estense universitaria)
     Bianchino des Baux, benjamin de sa fratrie, partit s'installer en Italie. Il s'établit à Naples où ses descendants vivent toujours.
     On peut admirer les armes des Baux en Italie, gravées dans la pierre : Il cappellone di San Riccardo, Cattedrale di Andria et sous l'appellation De Baucio.

• 3. La branche des Baux, princes d'Orange et seigneurs de Courthézon, de Suze et de Camaret, comtes d'Alessano, comtes de Soleto (branche qui comprenait aussi les Baux des Ursins)
-- juin 1193, [Sigillum Guillelmi] de Bauci[o], Barthélémy (1892, pl. VIII, fig. 24),
Guillaume Ier Des Baux, prince d'Orange, fils de Bertrand et de Tiburge (†1218)
-- 1er avril 1388, S' Katerine d' Baucio de curtedone, Barthélémy (1892, pl. XV, fig. 44),
Catherine Des Baux, Dame de Courthézon (†1392-1394)
     Catherine Des Baux (†1392-1394) était la femme de Bertrand Des Baux d'Avellino (†1374-1375), sgr de Brantes et de Plaisians de la 1ère branche. Les armes sur son sceau sont des armes d'alliance et son mari porte le même écartelé en sautoir sur son sceau vers 1340-1355, voir pl. XV, fig. 47. Dans les deux cas, les armes de la première branche sont représentées par l'étoile seule.
-- 1370-1386, die gr. van Ursinis, "écartelé aux 1 et 4 de gueules [à l’étoile à seize rais d’argent] (des Baux) ;
aux 2 et 3 d’or au huchet d’azur lié de gueules (Orange) ; sur le tout bandé d’argent et de gueules
au chef d’or chargé d'une rose de gueules (Orsini)", Orsini de Lecce (†1406), Armorial de Gelre n° 1476
          L'étoile aurait-elle été oubliée... car aucune trace n'apparaît d'un dessin qui se serait effacé avec le temps.
-- 1450, Le duc dandrie, "écartelé de gueules au soleil [sic] d'or (Des Baux)
et d’or au cor de chasse d’azur (Orange)",
Des Baux, duc d'Andrie, Armorial Coislin-Séguier, f°15r (©BNF)
-- 1450, Le prince de tarente, "écartelé de gueules au soleil [sic] d'or (Des Baux)
et d’or au cor de chasse d’azur (Orange) ; sur le tout, d'argent à trois barres [sic] de gueules,
au chef d’argent chargé d’une rose de gueules [manque la divise] (Orsini),
Des Baux des Ursins, prince de Tarente, Armorial Coislin-Séguierf°15r (©BNF)
-- 1463, "écartelé de gueules à l’étoile à seize rais d’argent (Des Baux) et d’or au cor de chasse d’azur,
enguiché, virolé et pavillonné de gueules (Orange) ; sur le tout, bandé de gueules et d’argent,
au chef d’argent chargé d’une rose de gueules et soutenu d’une divise d’or (Orsini)",
tombeau de Jean-Antoine Orsini Del Balzo (1386-1463), église Sainte-Catherine de Galantina
en Pouilles (d'après Galbreath & Jéquier, fig. 380 p. 154)
-- 1550-1555, Famille Del Balzo, Insignia pontificum Romanorum et cardinalium XIV.
Insignia Neapolitanorum et Genuensium
, f°32r (©BSB Cod.icon.27)
• Entre 1644 et 1903, la famille Des Baux dans les Traités de blason ou autres ouvrages
-- 1644, Baulx, La Colombière, p. 366, fig. 17
-- 1660, La maison de Baux, Palliot, p. 182, fig. V
-- 1903, des Baux, Provence, Rolland, vol. 1, pl. CXLVII
- 1903, Baulx de Montescagioso, Naples, Rolland, vol. 1, pl. CXLIV
     Vulson de La Colombière (1644:365) : "Baulx, de gueules à une estoile de seize pointes ou rayons d'arg."
     Palliot (1660:182) : "(sous Comète) Il y en a qui nomment aussi Cometes, l'Estoille qui à seize raiz esgaux sans chevelure ou queuë, ainsi que Cesar de Nostradamus en son Histoire de Provence, appelle celle de la maison de Baux lorsque parlant de la guerre meuë entre Remond Comte de Barcelonne, Oncle & Tuteur de Berenguier, Comte de Provence, & Estephanete fille de Gilbert II. Comte de Provence femme de Hugues de Baux qui pretendoit cette Comté, il dit, On ne voyoit de toutes parts qu'Enseignes desployées & Tambours, ou sous la Banniere de Barcelonne & de Provence, ou sous la Comete de Baulx. Neantmoins quand l'on veut representer une vraye Comete, il faut que l'un des rayons soit plus grand que les autres, & ondoyant pour luy servir de chevelure, ce qui fait que notre vulgaire l'appelle Estoille à longue queuë. […] La maison de Baux, de laquelle aucuns ont possedé la Principauté d'Orange par la succession de Guillaume d'Orange, Prince pour la moitié  de cette Principauté, frere de Tiburge d'Orange, femme de Bertrand de Baux, & par eux tombée en la maison de Chalon par le mariage de Marie de Baux fille unique & héritiere de Raymond de Baux cinquiesme du nom, & de Jeanne de Geneve avec Jean de Chalon ; puis escheuë en celle de Nassau par l'alliance de Claude de Chalon avec Henry de Nassau, portoit de gueules à une Comete a seize rais d'argent, en memoire de Melchior [sic], l'un des trois Roys qui adorerent nostre Seigneur, duquel Baltazar, Prince de Baux, et Roy de Tarse leur predecesseur estoit issu, qui se retira avec sa femme & ses enfans vers l'Empereur Theodose I. lequel il suivit au voyage qu'il fit à Lion, & s'arresta en Provence, y fit construire un fort Chasteu à trois lieuës d'Arles, qu'il appella de son nom de Baux, & ce Chasteau fut ruiné apres les mouvemens de l'année M.DC.XXXII."

• 1887, Li Prince di Baus, de Frédéric Mistral (courts extraits tirés de "Calendal")
"[…], tu dois, sur la porte du château, avoir vu l'Astre qui est gravé...[…] 

Ce sont les armes traditionnelles des princes des Baux, 
la première, par son antique nom comme par sa splendeur, des grandes familles de Provence :
race d'aiglons, jamais vassale qui, de la pointe de ses ailes,
effleura la crête de toutes les hauteurs.

Selon leur dire et leur croyance, 
ils comptaient parmi leurs aïeux le mage Balthazar, 
duquel un descendant était venu d'Ethiopie planter bourdon sur les Alpilles 
et semer dans leurs flancs pierreux les herbes aromatiques et le sang ardent.

De là venait la Belle-Étoile irradiée en seize rais dans leur blason ; […] 
de là leur cri de guerre : Au hasard, Balthazar !"

• Quelques pistes héraldiques
     Dans Galbreath & Jéquier (1972:154), on lit "Les étoiles ont le plus communément cinq rais en France, six dans les pays de langue allemande, six ou huit en Italie. Le nombre de rais est à spécifier quand il dépasse six. Une étoile à seize rais est le blason fameux de la famille des Baux. Cette étoile est parfois appelée comète, terme qui devrait être réservé à l'astre muni d'une queue flammée."
Plus loin, page 284, on découvre qu' "…on ne retrouve pas en héraldique ancienne les grands symboles tels que le soleil(1) et la lune, l'arbre, l'eau, etc. Ceci n'est pas étonnant, car, si les armoiries jouent un grand rôle dans les préoccupations de la haute société, noble et bourgeoise, les questions intellectuelles n'y ont qu'une faible influence. Pour les intellectuels par contre les armoiries n'ont guère d'intérêt mais les symboles sont essentiels."
(1) Exception faite de l'étoile à seize rais des seigneurs des Baux qui affirmaient ainsi leur prétention à descendre des rois mages…

     Les armoiries Des Baux sont en fait des armes allusives : ils prétendent descendre de Balthazar, l'un des trois Rois mages, guidés vers la crèche par une étoile ou comète (c'est pour cette raison que cette sorte d'étoile est appelée exceptionnellement comète en héraldique). Les armes allusives sont "renforcées" par la devise de la famille "Au hasard Balthazar" (en provençal "A l'asar Bautezar"). Tous ces éléments constituent aussi ce qu'on appelle une "légende familiale".

• Références
-- AURELL (Martin), 1990, Autour de l'identité héraldique de la noblesse provençale au XIIIe siècle, Médiévales 9(19) : 17-27 (sur Persee)
-- DEL BALZO DI PRESENZANO (Antonello), 2003, A l’asar Bautezar. I del Balzo ed il loro tempo, Napoli : Arte Tipografica Editrice (bibliographie ici)
-- BARTHÉLÉMY (Louis), 1892, Inventaire chronologique et analytique des chartes de la maison de Baux, accompagné de quinze planches de sceaux, cinq tableaux généalogiques et d'une carte des possessions françaises de cette maison, et suivi d'un appendice relatif à la branche des Baux d'Arborée, Marseille : Barlatier-Feissat, 680 p., 15 pl. (sur Archive.org)
-- CANONGE (Jules), 1844, Notice historique sur la ville des Baux en Provence et sur la maison des Baux : précédée d'une description, Paris : Hachette, XVI-69 p. (sur Gallica)
-- CASTERAN (A.), 1912, Les Baux : guide-monographie, Marseille : P. Ruat, II-72 p. (3e édition) (sur Gallica)
-- GALLIAN (Jean), 2005-2012, Famille des BAUX ou de BAUX (del Balzo), sur le site Grand armorial du Comtat Venaissin (avec tableaux généalogiques et un certain nombre de sceaux). Le site comprend aussi une page sur Barral Des Baux.
-- MISTRAL (Frédéric), 1887, Calendal. Texte et traduction, Paris : A. Lemerre (voir sur Gallica la partie "Li Prince di Baus")
-- NOBLEMAIRE (Gustave), 1913, Histoire de la maison des Baux, Paris: Champion, VI-231 p. (sur Gallica)
-- ORCEL (Michel), 2009, Le livre des devises, Paris : Le Seuil, 547 p. (Del Balso, p. 63)
-- Sito ufficiale della famiglia del Balzo (de Baux)
-- Famiglia del Bazo, 2007, sur le site Nobili Napoletani (avec de nombreuses illustrations)
-- Del Balzo, sur le site Libro d'Oro della Nobiltà Mediterranea (ici)

5 commentaires:

  1. Merci de pouvoir me familiariser avec ce domaine que je connais peu. Bonnes fêtes!

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  2. Le nom de famille "Baus" est lié. Certains sont allés à l'Allemagne et d'autres à la Croatie. Il ya aussi quelques familles Baus espagnol / catalan, car ils étaient aussi dans la vieille Occitanie.

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    1. La première illustration concerne une branche croate, semble-t-il.
      Auriez-vous des sources à nous fournir (ouvrages ou sites) ?

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    2. Non documents historiques. Seulement ceci: http://www.prezime.net/Baus

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